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Amis ou copains, l’amitié chez les petits
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Par défaut Amis ou copains, l’amitié chez les petits - 15/03/2013, 05:17

Amis ou copains, l’amitié chez les petits

AuteurCatherine Graindorge du même auteur
Catherine Graindorge est professeur de psychiatrie infanto-juvénile à Paris XI et chef de service de la Fondation Vallée dans le Val-de-Marne[*][*] Fondation Vallée, 7, rue Benserade, 94257 Gentilly Cedex. ...
suite.


La plupart des enfants font très bien la différence entre les copains et les amis, et cela assez vite. Les amis sont ceux à qui on « livre tout » : ses secrets, ses peines mais aussi ses joies. « On est sûr d’un ami », il ne vous lâchera pas, ne vous trahira pas, vous soutiendra dans les moments durs de la vie (séparation parentale, échec scolaire, etc.) Les copains… c’est différent. On peut partager avec eux certains moments de vie bien circonscrits (sports, jeux, loisirs, etc.), mais les affinités ne sont pas assez fortes pour qu’on puisse véritablement se confier à eux : « Un copain, on n’en est jamais sûr. »

2 Par ailleurs, une chose est claire : l’amitié n’est pas l’équivalent d’une relation fraternelle, même si elle se situe au même niveau générationnel (celui des pairs et non des pères, avec qui on ne peut pas partager au même titre !). Elle est même souvent présentée par les petits comme radicalement différente et, en cela, agréable : « Mon frère, je l’ai pas choisi, mon ami, si. »

3 Il faut cependant que les adultes restent assez souples pour laisser les enfants devenir eux-mêmes, sans vouloir à tout prix leur apprendre l’amitié, ce qui est impossible. « Aime-moi », « Aime-le » restent des messages parfaitement paradoxaux ! « L’amour et l’amitié, ça ne se commande pas », mystérieux tissage dont la trame (narcissique) et la chaîne (objectale) peuvent être « décortiquées », sans pourtant expliquer la beauté de l’étoffe. L’amitié c’est comme l’amour… c’est de l’art ! Les proverbes, creuset de la sagesse populaire, ne s’y sont pas trompés, puisqu’ils se contredisent en la matière : « Les contraires s’attirent » versus « Qui se ressemble s’assemble »…

4 Dans les représentations que les parents donnent d’eux-mêmes et de leurs relations amicales à leurs enfants, ceux-ci peuvent, peu à peu, percevoir la qualité particulière et les différents styles du lien amical (il n’est ni familial : le sang n’est pas partagé autrement que symboliquement par les amis ; ni amoureux : il n’y a pas de sexualité entre amis, le lien est donc plus « neutre »), et dans un deuxième temps entrer dans des processus d’identification.

À quel âge a-t-on des amis ?

5 L’amitié débute parfois tôt (Flament, 1983). Dès la crèche, les petits se « cherchent », disent les puéricultrices, ils se rapprochent de ceux qui ont des styles de communication semblables (les « anxieux », les « lents », les « rapides », etc.) (Nadel, 1986), liés ou non à des processus d’attachement comparables (Guedeney, 2002) ou au contraire complémentaires (dominant/dominé ; timide/extraverti, etc.). Ces prémices d’une « amitié » encore bien difficile à définir à cette période prélangagière constituent parfois les bases d’un lien très fort et durable.

6 En maternelle, il existe le plus souvent des relations labiles entre les enfants, très fortes à certains moments, totalement désinvesties à d’autres (Espinoza, 1998). Cependant, certains enfants très jeunes élisent un « meilleur ami », dans une relation plus proche d’un étayage (indispensable pour entrer dans le monde de la socialisation de l’école) que d’un véritable échange d’égal à égal. Ces liens privilégiés peuvent d’ailleurs beaucoup aider certains enfants dans la séparation/individuation à l’égard de leurs parents, et dans leur appréhension positive du monde scolaire. Il n’est pas rare d’assister à des décompensations lors de déménagements inopinés… L’enfant refuse alors de retourner à l’école, déprime et, parfois, développe une symptomatologie proche de celle de la phobie scolaire.

7 En primaire, l’amitié c’est avant tout : « partager », « un lien sacré », « connaître très bien l’autre ». Les enfants parlent de ce qu’ils échangent très concrètement (Winnicott, 1969) : les jouets, les « cartes » de collection, les jeux vidéo, les vêtements (surtout les filles, comme un partage de « l’enveloppe » corporelle et une appropriation), mais aussi les secrets, avec la notion plus élaborée de connivence : « On n’a pas besoin de se parler pour se comprendre. » Il est clair que dans l’échange amical vrai (même si, dans certaines « bandes » d’amis, la compétition existe), la réciprocité est très importante, l’étayage et la solidarité aussi, même si les enjeux narcissiques restent essentiels (la notion de « double » est souvent bien présente dans la complicité amicale). Les enfants évoquent souvent l’intérêt des amis dans les moments où ils sont tristes, comme un véritable réconfort, une consolation. Les parents peuvent aider, mais les amis assistent l’enfant autrement, avec des réactions émotionnelles plus proches : alors, « un ami, c’est très précieux ». Ainsi, l’enfant expérimente qu’il peut compter sur son ami, solide quand il est fragile, mais qui présente aussi les mêmes fragilités que lui, ce qui le différencie d’un adulte, figure identificatoire beaucoup plus surmoïque.

8 À noter que les amitiés fille/garçon, très fréquentes chez les tout-petits et en maternelle (même si elles sont plus implicites qu’explicites), régressent en phase de latence du fait de la proximité de la puberté qui rend dangereux tout rapprochement (Freud, 1905).

Quel doit être le rôle des parents ?

9 Il est très important de ne pas trop figer les amitiés chez les petits enfants. En effet, la possibilité de changer d’amis leur permet d’expérimenter des relations très diverses, de qualité, d’intensité et de nature différentes, ce qui les aide beaucoup à se construire. Le mythe de la relation unique est donc plutôt négatif à cet âge.

10 Aujourd’hui, beaucoup de parents sont un peu trop interventionnistes dans les amitiés de leurs enfants, ils cherchent même parfois à induire des relations pseudo-amoureuses. Adultes en manque d’étayage, dont les blessures narcissiques sont trop fortes, certains parents projettent finalement sur leur enfant leur désir d’amitié ! Mais malheureusement, ils le font avec leurs critères d’adultes et non avec ceux qui sont accessibles à leur enfant.

11 D’ailleurs, l’enfant vit généralement très mal la prescription d’une relation amicale, même si parfois il s’y soumet passivement : emprise et maîtrise le font se vivre « objet » et non « sujet », comme si ses parents décidaient de ce qu’il est ou de ce qu’il deviendra, sans qu’il n’ait son mot à dire.

12 Les parents s’inquiètent de certaines amitiés chez leur enfant lorsqu’il est petit (voir l’article de Jean-Philippe Raynaud, p. 106). Tout en posant des balises de sécurité (comportements dangereux, etc.), ils peuvent faire confiance à tout ce qu’ils lui ont transmis, en pensant qu’il fera la part des choses et ne poursuivra pas une relation trop restrictive ou négative.

13 Plus tard, les amitiés plus étroites peuvent dérouter les parents, qui doivent alors accepter qu’elles ne leur conviennent pas forcément. On rêve toujours que son enfant ait pour ami le meilleur de la classe… et ce n’est pas forcément le cas ! Le milieu social, la culture, tout peut être différent, mais le parent doit respecter le choix de son enfant de peur de le décourager dans ses premières expériences d’autonomisation.

Comment être amis ?

14 Chez les enfants petits, la relation privilégiée avec un seul ami est rare. En revanche, ils ont souvent beaucoup de copains et il peut être très positif que ces relations soient soutenues par les parents (sans maîtrise ni hyperstimulation).

15 Certains enfants apprécient d’aller dormir les uns chez les autres, et ceci assez tôt ; d’autres pas du tout, et sont, au contraire, angoissés par une séparation trop précoce d’avec leur milieu familial, même pour une nuit. Il faut donc laisser l’enfant trouver son propre rythme, sans accélérer le mouvement, ce que font trop souvent les médias dans bien des domaines.

16 Plus tard, la possibilité d’inviter un ami en vacances ou pendant le week-end, est souvent positive, particulièrement pour les enfants uniques ou dont la fratrie connaît de grandes différences d’âge. Ils peuvent ainsi partager leurs expériences dans une complicité plus durable, hors du quotidien et de la pression scolaire, dans des activités de jeux ou de loisirs plus libres.

Il n’a pas de copains…

17 Un enfant, même très jeune, qui n’a aucun copain peut inquiéter. Cela signifie généralement qu’il ne se fait pas assez confiance pour aller vers les autres. Il est maladroit, ne sait pas se présenter au mieux de ses possibilités, voire adopte des conduites d’échec (inhibitions, mécanismes de honte, problématiques narcissiques ou plus névrotiques). Parfois, il contre-investit son agressivité et s’enferme dans le rôle de « victime ». Il se sent perpétuellement persécuté par les autres (ce qui arrive d’ailleurs rapidement). C’est souvent le cas des enfants qui s’organisent dans le cadre des pathologies limites de la personnalité : puisqu’ils ne peuvent avoir d’emblée tous les amis, et être les « rois » adulés, incontestés et indéboulonnables de la cour de récré, ils « décident » de devenir les « pauvres malheureux » que les adultes sont censés plaindre… ou rejeter aussi ! Le cercle vicieux du masochisme est ainsi bien enclenché.

18 Dans certains cas enfin, ce sont les autres qui n’intéressent pas l’enfant, ce qui est sans doute encore plus grave (pathologies situées dans des registres plus psychotiques).

19 De toute façon, quand un enfant n’a aucun ami, même en maternelle, les professionnels de l’enfance doivent conseiller une consultation pour évaluer les causes de cet isolement.

Les disputes : « Je te cause… Je te cause plus… Je te recause »

20 Les conflits existent avec les amis : disputes et réconciliations rythment les amitiés infantiles qui, si elles sont solides, gardent un certain équilibre. Avec ses véritables amis, l’enfant peut trouver des compromis, tempérer, gérer les tempêtes. Cet apprentissage du lien social, à travers la découverte de l’amitié, fait partie des expériences de vie très utiles.

21 Ce qui est inacceptable pour l’enfant, c’est la trahison : il peut se sentir humilié, rabaissé, méprisé, lorsque son ami livre aux autres un secret qu’ils avaient partagé. La rupture est alors consommée très explicitement pour certains (scènes, disputes, bagarres, etc.), de façon implicite pour d’autres, mais reste le plus souvent définitive. Il est structurant de savoir reconnaître « ses vrais amis » !

22 Durant ces conflits, les parents peuvent être interpellés. Il suffit d’être alors contenant et proche pour rassurer l’enfant. Il est important de reconnaître, sans la banaliser, la dénier ou la fuir, la souffrance qu’il vit à la suite de la perte du lien amical. L’adulte est là pour rappeler la continuité du temps, tout en permettant à l’enfant de vivre cette tristesse qui fait partie de la vie, des ruptures, des allers-retours.

23 C’est à l’enfant de progressivement arriver à trouver les compromis pour faire la paix… ou changer d’amis… S’il choisit cette dernière solution, il est très négatif de lui dire qu’il est une girouette, car plus il est petit, plus les conflits lui permettent de s’affirmer et de sélectionner, peu à peu, ses « vraies valeurs ». Toute rupture amicale à cet âge est loin d’être la preuve d’une pathologie du lien (même si la répétition systématique des ruptures au moindre conflit est inquiétante) ! Elle est plutôt le signe de la nécessité de la multiplication des expériences.

L’ami d’enfance

24 Certains enfants ont la chance de garder un ami d’enfance toute leur vie… cela dépend bien sûr de la personnalité des protagonistes, mais aussi, et beaucoup, des circonstances de la vie. Même si le lien est très fort, plus l’enfant est jeune, plus les ruptures liées aux déménagements, par exemple, sont difficiles à dépasser. Dans ces cas, il est positif que les parents offrent la possibilité d’entretenir une relation, mais il est négatif qu’ils soient trop « activistes ». Un ami qui déménage peut être vite désinvesti par le jeune enfant, au profit de copains plus directement disponibles, et il devient rapidement un ami encombrant si les adultes tiennent un discours culpabilisant. Certains enfants disent très clairement qu’à partir du moment où ils investissent de nouveaux copains, ils pensent moins à l’ami d’autrefois… Il ne faut cependant pas les accuser de ne pas avoir réellement aimé leurs premiers amis car plus ils sont jeunes, plus les enfants s’engagent à fond, même pour un temps très limité. Les adultes ont sans doute du travail à faire pour ne pas trop se projeter dans ce qui se passe !

25 Cependant, avoir la chance de garder un ami d’enfance permet à l’âge adulte de s’appuyer sur un passé recomposé à deux voix en connivence, pour mieux métaboliser les changements qu’imposent les ruptures du présent et les événements prévisibles de l’avenir, comme un lien délicieux et structurant avec « l’avant » de l’enfance.

26 L’amitié est un lien unique qui engage l’enfant dans la voie de la socialisation, en dehors de ses liens de sang et de ceux qu’implique la sexualité. Dans sa découverte de l’autre, s’il peut être soutenu par ses parents dans l’établissement de ses relations, l’enfant ne doit être envahi ni par les désirs ni par les interdits parentaux. Pas à pas, il avancera alors vers la découverte du lien, à la fois narcissique (spéculaire) et objectal, qui l’amènera à mieux se connaître lui-même.

http://www.cairn.info/revue-enfances...-2-page-29.htm


Je demande que tout les enfants petits et grands sur terre vivent dans un monde où règne la paix globale , où l'amour inconditionnelle dans toute sa splendeur éclate de beauté.
Je demande que tout les enfants sur terre mangent à leur faim avec des aliments sains pour le corps et l'esprit.Auteure inconnue
   
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