Afficher un message
non lus
  (#32)
ribouldingue
Banni
Épanoui(e)
 
Statut: Déconnecté
Messages: 84
Remercié: 62 fois, 58 msg
Inscription: octobre 2019
Par défaut 30/01/2020, 12:32

Les relations parents enfants sont extrêmement difficiles et elles ne peuvent que s'empirer avec l'arrivée de la démence.

Moi j'ai eu la chance (si on peut dire) que mes 2 parents décèdent à la maison en étant tous deux très lucides mais les relations parents-enfants étaient quand-même très difficiles.

Mais voici d'abord le contexte:
Mon père l'a eu extrêmement difficile avec son père qui était un homme effacé et sa mère qui n'avait aucun coeur et dirigeait tout d'une main de fer (et la mère de sa mère était encore pire). Alors il est sorti de cela avec des séquelles pas banales.

Quant à ma mère, elle avait une mère avec un immense coeur mais elle a eu la malchance de perdre son père quand elle était très jeune et ils ont alors vécu la très grande misère car à cette époque d'entre 2 guerres, il n'y avait absolument aucun support gouvernemental. Cette misère a pris fin quand sa mère s'est remariée avec... un homme qui n'avait aucun intérêt pour les enfants. Il fallait faire ce genre de choix à cette époque.

Ils ont eu 7 enfants (dont moi en dernier) qui sont nés en 2 groupes... (1945, 1946, 1947 et 1948) et (1952, 1954 et 1956).

Le premier groupe a été élevé un peu moins sévèrement qu'à l'ancienne et le second groupe l'a été un peu plus sévèrement qu'à la moderne d'aujourd'hui.
Entre les 2 groupes, mon père a su se remettre en cause et corriger ses problèmes; ce qui est exceptionnel pour un homme né en 1915.
----------

Alors vous comprendrez que rendus à leur vieillesse, mes parents se sont retrouvés comme pris entre 2 feux par les 2 groupes d'enfants.
* le premier groupe leur faisait plein de reproches sur la façon qu'ils avaient été élevés et aussi sur leur manque d'intérêt pour leurs petits enfants.

* le second groupe ne faisait pas ce genre de reproches mais comme tous les enfants un peu gâtés qui pensent voir que l'herbe est plus verte chez le voisin, il reprochait des choses plus modernes comme la communication parents-enfants qui n'avait pas été idéale.

Alors la stratégie (loin d'être parfaite) de mes parents pour survivre et pour garder la famille unie était d'éviter de parler du passé.

Mais cela a joué contre eux avec le 2è groupe qui voulait aussi revenir sur le passé (seulement pour en parler et comprendre) mais il se heurtait à un mur et en ressortait frustré de ne pas avoir de réponses et la, le premier groupe avait beau jeu pour exercer son influence.

Je ne sais plus combien de fois j'ai souhaité que mon père me parle comme un père d'aujourd'hui parle à son enfant de ses goûts, ses intérêts, ses sentiments, sa façon de voir les choses, etc au lieu de se limiter comme il le faisait à mon éducation scolaire, comment épargner, etc.

Et quand je prenais mon courage à 2 mains et me lançait dans le vide pour lui poser la grande question... Pourquoi vous ne me parlez pas de cette façon ?... Il me répondait chaque fois que c'était parce qu'il ne pouvait pas donner ce qu'il n'avait pas reçu.

Ma tête comprenait très bien ce qu'il voulait dire mais mon coeur n'acceptait pas cette réponse car j'avais déjà appris en regardant autour de moi que les parents ont la très mauvaise habitude de donner en dose exagérée à leurs enfants ce dont ils ont eux-même manqués pendant leur enfance... et je voyais alors la réponse de mon père comme une fausse excuse pour se défiler.

Malgré sa grande ouverture d'esprit et sa grande capacité de se remettre en question, il demeurait néanmoins un homme de son époque né en 1915 pour qui, aimer ses enfants, s'exprimait en étant un excellent pourvoyeur et en faisant en sorte qu'ils ne manquent de rien... matériellement... et il était sans doute dépassé par la psychologie d'aujourd'hui.

Puis, le lendemain de sa sortie d'hôpital (c'était le jour de leur 58è anniversaire de mariage), ma mère m'a dit qu'il s'était mis à genoux devant elle pour lui dire combien il l'aimait et la, sous l'émotion, il est décédé d'une crise cardiaque causée par manque d'oxygène à cause de sa maladie dégénérative des poumons dont il connaissait l'issue fatale depuis un an.

J'ai appris plus tard que tous les autres enfants savaient qu'il était condamné mais qu'ils avaient eu ordre de ne pas m'en avertir parce qu'il ne voulait pas que cela change la nature des rapports entre lui et moi.

Je n'ai donc pas eu la possibilité de me préparer mentalement à son départ.

Et ma mère qui souffrait d'emphysème a suivie 2 mois plus tard en suppliant mon père (au ciel) de venir la chercher... comme c'est très souvent le cas pour les vieux couples.

Ces 2 mois ont été horribles pour moi car je la voyais descendre et je ne savais absolument pas comment l'aider car contrairement à 2 de mes soeurs (elles font partie du 1er groupe d'enfants) qui travaillaient avec des personnes âgées, moi, je n'avais pas cette expérience et en plus je n'avais jamais eu à m'occuper de personnes dépendantes de moi... ni même d'un animal.

Alors j'appelais mes soeurs qui s'y connaissaient pour demander de l'aide mais... elles étaient déjà passées à autre chose.

Un jour, celle qui est infirmière auxiliaire l'a prise chez-elle mais en même temps, elle a prise possession d'elle de sorte que 2 des enfants du 2è groupe (dont moi) n'aient pas la possibilité d'aller voir notre mère en train de s'éteindre lentement.

Elle nous a enfin permis d'aller la voir quand son décès était proche et pour moi, parce que j'ai une vie aisée, elle m'a dit que je pouvais aller la voir à la condition que j'amène de la nourriture pour tous ceux qui seront la; ce que j'ai refusé de faire et je suis allé la voir quand-même.

Je vais vous épargner les détails de la succession qui a été psychologiquement horrible et vous devinerez très facilement que la famille a éclatée en mille morceaux.

Alors en très peu de temps, je suis passée d'une personne qui avait ses 2 parents et 6 soeurs à une personne qui était totalement seule et cela m'a fait prendre conscience des paroles d'une fille que j'ai connu à ottawa.

Cette fille (elle devait avoir environ 30 ans à l'époque) qui était enfant unique avec ses 2 parents décédés relativement jeunes, m'a dit un jour avec la larme à l'oeil... qu'elle était seule dans la vie.

A l'époque, je ne comprenais pas du tout le sens profond de ses paroles mais aujourd'hui je le comprend très bien.
   
Réponse avec citation
Les 2 utilisateurs ci-dessous ont remercié ribouldingue pour ce message: