L'anxiété de séparation chez l'enfant.

[YING YANG]

En savoir plus sur l'anxiété de séparation

Décrit pour la première fois en 1956 par les auteurs américains Estes et ses collaborateurs, il est repris depuis les années 1980 dans le DSM III R comme étant une anxiété excessive concernant la séparation d'avec les personnes auxquelles l'enfant est attaché. Ce trouble comprend trois séries de signes qui peuvent survenir conjointement ou indépendamment :

- détresse lors de la séparation avec signes ou plaintes répétitifs témoignant de cette angoisse : peurs, crises de colère, demandes pressantes aux parents de ne pas partir, voire état de panique avec signes somatiques : céphalées, nausées, vomissements. Palpitations, vertiges, ... chez les adolescents. Dans les cas extrêmes, désir de mourir

- rumination et préoccupations morbides portant sur l'intégrité de la famille et sur l'enfant lui-même : crainte d'accidents, de voleurs, de se perdre, ...

- nostalgie du chez-soi et désir de réunion familiale

Le tableau clinique ne varie pas avec le sexe mais avec l'âge, il est le plus complet chez les enfants entre cinq et huit ans et chez les adolescents entre treize et seize ans. On estime que 4% des enfants et des jeunes adolescents présentent ce trouble. Les psychiatres mettent en avant plusieurs pistes qui pourraient l'expliquer : trouble de l'attachement, personnalité inhibée, antécédents familiaux de troubles affectifs, vulnérabilité génétique, évènements familiaux stressants ou traumatisants. (1)

Le problème de la séparation temporaire avait déjà fait l'objet d'études dès 1952 avec Robertson J. et Bolwby J. (2) qui décrivent les réactions des jeunes enfants séparés de leur mère, avec présence d'un substitut, selon trois phases successives :



- la phase de protestation où s'entremêlent agitation, colère, cris, pleurs, refus de se laisser approcher, comportements de recherche de la mère qui peut durer quelques heures ou quelques jours

- la phase de désespoir avec désarroi intense et état de retrait : les pleurs diminuent, l'enfant devient inactif, ne cherche rien, ne demande rien, la tristesse et la détresse manifestes du début deviennent beaucoup moins évidentes pour laisser place à une apparente indifférence

- la phase de détachement au cours de laquelle l'enfant se laisse faire par l'entourage, s'y intéresse, redevient sociable, accepte les soins de n'importe quel substitut maternel, semblant y perdre tout attachement pour sa mère

Toute séparation n'aboutit pas forcément au développement de ces phases, sa durée va moduler l'intensité des manifestations observées. En-dessous de trois mois, aucun bébé ne présente ces réactions, celles-ci vont concerner une proportion croissante d'enfants entre trois et six mois, pour se développer en général aux alentours de six-sept mois, entre sept et douze mois, elles sont observées chez tous les enfants. Les enfants protestent couramment lorsqu'ils voient partir leur mère. Cela peut aller du gémissement jusqu'au cri très violent, ils tentent aussi de la suivre. En général, plus l'enfant est jeune, plus il est susceptible de pleurer et moins il essaie de suivre sa mère. La façon dont elle part intervient également : un retrait lent et dans le calme suscite moins de protestation, le cadre est aussi important, si l'enfant est laissé dans un cadre familier, la séparation d'avec la mère peut être relativement bien acceptée.

Les réactions au retour de la mère seront variables en fonction de la phase évolutive de ce processus : réaction d'attachement anxieux, agressivité manifeste, ou au début un certain désintérêt. Tout finit généralement par rentrer dans l'ordre sans dommage apparent, mais non sans une plus grande sensibilité aux séparations ou aux menaces de séparation ultérieures. Bolwby va relier les trois phases de ce processus à trois points essentiels de la théorie psychanalytique : la phase de protestation correspondrait au problème de l'angoisse de séparation, la phase de désespoir à celui du chagrin et du deuil, et la phase de détachement à celui des mécanismes de défense et d'adaptation mis en oeuvre pour faire face à la séparation. Ainsi, ce processus apparaît comme le prototype des réactions que nous présenterons ultérieurement face à des situations de séparation d'avec un être cher.

Freud A. (3) constatait également que la séparation avait des conséquences différentes suivant le stade auquel elle se produisait. Si elle survient au stade un (symbiotique, stade "d'unité biologique au sein du couple mère-enfant" qui constitue un état narcissique indifférencié, le narcissisme de la mère s'étend à l'enfant et ce dernier inclut la mère dans son "monde narcissique interne", dans lequel il n'existe pas d'objet), elle suscitera l'angoisse de séparation. En revanche, au stade deux (où apparaît la relation avec l'objet de satisfaction des besoins physiologiques ou relation anaclitique), elle entraînera des états du type de la dépression anaclitique de Spitz. Au stade trois (celui de la relation ambivalente sadique-anale où l'enfant cherche à dominer et contrôler son objet), l'équilibre de la fusion entre libido et agressions sera compromis, donnant naissance à de fortes tendances destructives. C'est seulement quand le stade quatre (celui de la constance de l'objet) est atteint que l'absence à l'extérieur de l'objet est remplacée, au moins en partie, par la présence d'une image interne qui reste stable, les séparations temporaires peuvent être acceptées sans réactions à mesure que la constance de l'objet se développpe; à ce stade, l'angoisse sera la perte de l'amour de l'objet.

Au cours des années suivantes, une angoisse de séparation normalement intense est attribuée à une fixation au stade d'unité biologique. Les réactions à la séparation des enfants plus âgés ne sont pas comprises par A. Freud dans la catégorie d'angoisses de séparation, il s'agit des symptômes névrotiques propres aux enfants en latence qui ne parviennent pas à se détacher de l'objet oedipien à cause de leur degré d'ambivalence, ils refoulent l'aspect agressif de l'ambivalence et cela donne lieu, dans les situations de séparation, à de la culpabilité, peur de la mort des parents, et à des sentiments internes de nostalgie.