Dire aux parents que leur enfant a besoin d'aide
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Barbara Kaiser et Judy Sklar Rasminsky
Les intervenantes en garderie se retrouvent sur la ligne de front quand il s'agit de dépister les problèmes majeurs physiques, cognitifs, sociaux et affectifs chez les jeunes enfants. En raison de leur formation en éducation de la petite enfance et de leur expérience auprès de nombreux enfants, elles sont bien préparées pour constater si les enfants dont elles s'occupent éprouvent des difficultés -- si, par exemple, un enfant n'entend pas bien ou a un comportement particulièrement agressif.
Les éducatrices solutionnent de petits problèmes tous les jours mais il faut traiter différemment des problèmes majeurs. Sans aide supplémentaire, les intervenantes en garderie seront rapidement épuisées. Il faut informer les parents quand les enfants ont des besoins spéciaux. Ils ont la responsabilité ultime pour leur enfant et ce sont eux qui doivent prendre les décisions. Un diagnostic et un traitement précoces sont souvent d'une importance vitale.
Mais, dire aux parents que leur enfant n'est pas parfait est la chose la plus difficile à faire au monde. Ce n'est pas une nouvelle qui leur fait plaisir. Ils peuvent soupçonner que leur enfant est différent mais espérer que c'est parce qu'il se développe à son propre rythme et qu'il rattrapera les autres plus tard. Ils peuvent avoir évité d'aborder le sujet avec leur pédiatre et ils ne désirent certainement pas voir une autre professionnelle confirmer leurs plus grandes craintes.
une directrice ou une superviseure de garderie ou de garde en milieu familial peut-elle fournir de l'aide dans une telle situation? Comment collaborer avec l'intervenante pour trouver la meilleure façon de dire la vérité aux parents et d'obtenir leur pleine coopération pour aider l'enfant?
Lorsqu'une éducatrice est confrontée à un sérieux problème chez un enfant, elle doit d'abord en parler à la superviseure. Certaines intervenantes en garderie peuvent hésiter à demander de l'aide à la superviseure de peur de passer pour une incompétente. Une façon d'éviter une telle situation est de faire de la reddition de compte une question de routine -- une politique écrite -- afin que la compétence de personne ne soit pas mise en doute. Une autre méthode consiste à mettre une discussion sur les enfants à l'ordre du jour des réunions du personnel; certaines éducatrices sont plus à l'aise à l'idée de pouvoir compter sur le soutien de leurs collègues. Les éducatrices doivent se rappeler que les enfants ne se développent pas tous au même rythme, particulièrement dans un environnement multiculturel où les valeurs et les styles de vie varient considérablement. Par conséquent, il est utile d'obtenir les commentaires de toutes les personnes en relation avec l'enfant.
La superviseure doit aussi observer l'enfant pendant un certain temps et dans différentes circonstances afin de contribuer à déterminer le problème et découvrir s'il s'agit d'une réaction à sa présence à la garderie ou d'un problème de l'enfant. Étant donné que les observations de la superviseure et des éducatrices serviront de base aux actions futures, elles doivent être détaillées, concrètes, précises et notées. Lorsque vous avez terminé vos observations, réunissez-vous pour analyser les comportements. Est-ce que Adam attaque les autres durant les périodes de transition ou quand il y a trop d'enfants dans la pièce? A-t-il de la difficulté à verbaliser ses désirs? Son comportement est-il complètement imprévisible? S'agit-il d'un comportement répétitif?
Vous pouvez maintenant formuler un plan. Si le comportement de l'enfant laisse à désirer durant certaines périodes de la journée, essayez de mettre en place un arrangement pour éliminer ou atténuer le problème. Pendant ce temps, la directrice devrait trouver un endroit où la famille peut se rendre pour une évaluation formelle et découvrir quelles ressources sont disponibles dans la communauté. Combien de temps devront-ils attendre pour un rendez-vous? Devront-ils payer pour le test? Il sera plus facile aux parents de passer à l'action si vous leur fournissez un nom et un numéro de téléphone.
Il importe de faire preuve de clarté, de cohérence et d'organisation quand vous vous adressez aux parents. Pour ce faire, vérifiez tous les détails ensemble avant la réunion. Qui parlera? Si l'éducatrice de l'enfant possède la maturité et l'expérience, elle est sans doute la meilleure personne pour le faire. (La directrice, ou la superviseure, peut intimider les parents). Toutefois, une éducatrice qui ne se sent pas à l'aise face à une tâche si importante et inquiétante pourrait souhaiter votre appui.
Avant que l'une d'entre vous ne communique avec les parents, assurez-vous de la disponibilité de votre intervenante de garde. La plupart des parents voudront vous rencontrer le lendemain ou plus tôt. En fait, cette réunion est si importante qu'il conviendrait d'embaucher une suppléante au besoin. Même si l'intervenante se propose de rencontrer seule les parents, vous devriez aussi être disponible.
L'éducatrice devrait établir le premier contact avec les parents si elle le peut. Elle ne doit pas téléphoner aux parents au travail pour éviter la panique. Au lieu de cela, elle devrait écrire une note leur demandant de venir la rencontrer et, à leur arrivée, elle devrait leur dire quelque chose comme «Je suis préoccupée par le langage de Laurence (ou le comportement ou l'acuité auditive) et j'aimerais en parler avec vous. Pouvons-nous prendre un rendez-vous? Elle doit être prête à résister aux tentatives des parents à parler tout de suite et trouver plutôt un endroit tranquille et privé - le bureau de la directrice ou une salle libre - où ils ne seront pas interrompus. Demandez aux deux parents d'être présents afin d'éviter les malentendus.
Il faut surtout que la personne qui parle aux parents soit chaleureuse, aimable et sympathique. Commencez sur une note positive afin de les mettre à l'aise et les rendre plus réceptifs : «Anna est une enfant très affectueuse et douce; elle a de nombreux amis à la garderie.» Ont-ils remarqué qu'elle ne semble pas toujours comprendre ce qu'ils disent ou que son langage n'est pas toujours clair? Comment traitent-ils de ce problème à la maison? En ont-ils parlé à quelqu'un?
Sans cataloguer le comportement ou l'enfant, décrivez ce que vous avez remarqué à la garderie. Il ne faut ni minimiser ni exagérer -- l'honnêteté et la précision sont les meilleurs outils à utiliser pour rejoindre les parents. Faites remarquer que la garderie ne peut pas, à elle seule, fournir tous les services dont Anna a besoin pour s'épanouir. Si elle doit rester à la garderie, vous aurez besoin d'aide. Expliquez-leur qu'ils devraient faire évaluer leur enfant par une professionnelle qui pourrait leur recommander des services de soutien additionnel à la maison et à la garderie.
Certains parents préfèrent consulter leur propre pédiatre. Il s'agit d'une solution raisonnable et vous devriez appuyer leur décision. Afin de vous assurer que le médecin soit au courant de tout ce que vous avez observé chez l'enfant, vous voudrez peut-être lui écrire une lettre de présentation que vous remettrez aux parents. N'oubliez pas d'en donner une copie aux parents.
Dites aux parents que vous êtes disponible en tout temps s'il y a un problème mais fixez un délai concernant l'intervention professionnelle. Organisez une réunion de suivi pour tenir compte des rendez-vous et des développements, bons et mauvais. Vous voudrez les rencontrer plus tard, mais ne les surcharger pas. Ils seront confrontés par une multitude de problèmes - sentiments de tristesse et de colère, possibilités de problèmes conjugaux, heures additionnelles à travailler avec l'enfant et attentes dans les bureaux de médecin. S'ils doivent attendre trois mois pour voir une spécialiste, vous devrez élaborer ensemble un plan de «survie» temporaire.
Certains parents ne peuvent pas considérer la possibilité que leur enfant ait un sérieux problème. Ils préfèrent faire semblant que tout va bien plutôt que d'abandonner tous les rêves qu'ils entretenaient pour leur enfant. Même si vous faites preuve d'extrême délicatesse, les parents peuvent décider de retirer l'enfant de la garderie ou refuser tout simplement de collaborer. S'ils ne sont pas disposés à obtenir le soutien nécessaire pour que l'enfant reste à la garderie, sa présence peut rendre le travail de l'éducatrice trop stressant et compromettre la qualité des soins fournis aux autres enfants. Il peut en être de même si le processus d'évaluation et d'aiguillage ne fournit pas l'aide requise ou si le problème est très sérieux et que les parents ne peuvent pas obtenir de l'aide dans un délai raisonnable. Dans ces situations, toute directrice responsable doit accorder la priorité aux besoins des autres enfants et du personnel. Même s'il s'agit d'une décision difficile à prendre, vous n'avez d'autre choix que de demander aux parents de retirer leur enfant de la garderie.
Cependant, une fois que la famille a obtenu de l'aide et figure sur une liste d'attente, elle est prête à travailler avec vous et la dynamique de la situation change souvent. L'appui de la famille ne diminue pas systématiquement la charge des intervenantes mais tout le monde est plus engagé à régler la situation. Les intervenantes peuvent avoir besoin de soutien additionnel de votre part, particulièrement s'il doit s'écouler quelque temps avant de mettre en place un nouveau système. Si possible, offrez-leur une journée de congé, amenez l'enfant dans votre bureau ou embauchez du personnel additionnel pour quelques heures afin de leur donner une pause.
Barbara Kaiser enseigne en éducation de la petite enfance au Collège Marie-Victorin de Montréal. Elle est la directrice-fondatrice de la Garderie Narnia, un établissement sans but lucratif à Westmount au Québec. Barbara et l'écrivain Judy Sklar Rasminsky sont les co-auteures d'un livre sur la garde à l'enfance publié par les Éditions Libre Expression à Montréal.
Source: Cet article a été publié dans Interaction (volume. 7, no 4), la revue de la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance.